Quelques heures après avoir été arrêté par des militaires en révolte, le président malien Ibrahim Boubacar Keïta a annoncé sa démission et la dissolution du Parlement et du gouvernement dans la nuit de mardi à mercredi. Les militaires qui ont pris le pouvoir ont affirmé vouloir mettre en place une « transition politique civile ». Ces événements interviennent alors que le pays traverse une grave crise politique depuis plusieurs mois.
Dans une déclaration télévisée dans la nuit de mardi à mercredi, le président Keïta, arrêté quelques heures plus tôt par des militaires, a annoncé sa démission, la dissolution du gouvernement et celle de l’Assemblée nationale.
Je voudrais à ce moment précis, tout en remerciant le peuple malien de son accompagnement au long de ces longues années et la chaleur de son affection, vous dire ma décision de quitter mes fonctions, toutes mes fonctions, à partir de ce moment, a déclaré le président Keïta dans une allocution diffusée par la télévision nationale ORTM.
Et avec toutes les conséquences de droit : la dissolution de l’Assemblée nationale et celle du gouvernement, a-t-il ajouté.
Que s’est-il passé mardi 18 août ?

Après que des tirs ont été entendus mardi matin dans le camp Soundiata Keïta, à une quinzaine de kilomètres de la capitale Bamako, des militaires ont pris le contrôle de la garnison. Selon un correspondant de l’AFP sur place, les mutins ont ensuite bouclé les accès.
Les mutins ont ensuite pris le contrôle du camp et des rues adjacentes, avant de se diriger en convoi vers le centre de la capitale, selon un correspondant de l’AFP. Dans Bamako, ils ont été acclamés par des manifestants rassemblés pour réclamer le départ du chef de l’État aux abords de la place de l’Indépendance, épicentre de la contestation qui ébranle le Mali depuis plusieurs mois, avant de se diriger vers la résidence du président Keïta, selon la même source.
Le président malien Ibrahim Boubacar Keïta et son Premier ministre Boubou Cissé ont été arrêtés mardi 18 août en fin d’après-midi à Bamako, au domicile du président, par des militaires en révolte, a affirmé un des chefs de la mutinerie, tandis que des soldats fraternisaient avec des manifestants.
Les deux dirigeants ont été conduits par les militaires révoltés dans des véhicules blindés à Kati, a précisé M. Doucouré, le directeur de la communication du chef du gouvernement malien.
Nous pouvons vous dire que le président et le Premier ministres sont sous notre contrôle. Nous les avons arrêtés chez lui au domicile du chef de l’État à Bamako, a déclaré à l’AFP un des chefs de la mutinerie, qui a requis l’anonymat.
Quelques heures plus tard, le président malien a pris la parole à la télévision nationale pour annoncer sa démission et la dissolution du Parlement et du gouvernement.
Où en est la situation maintenant ?

Les militaires qui ont pris le pouvoir au Mali et poussé à la démission le président Ibrahim Boubacar Keïta ont affirmé dans la nuit de mardi à mercredi vouloir mettre en place une transition politique civile devant conduire à des élections générales dans un délai raisonnable. Ils ont annoncé la création d’un Comité national pour le salut du peuple à la télévision.
Nous, forces patriotiques regroupées au sein du Comité national pour le salut du peuple (CNSP), avons décidé de prendre nos responsabilités devant le peuple et devant l’histoire, a déclaré sur la télévision publique ORTM le porte-parole des militaires, le colonel major Ismaël Wagué, chef d’état-major adjoint de l’armée de l’air.
Notre pays, le Mali, sombre de jour en jour dans le chaos, l’anarchie et l’insécurité par la faute des hommes chargés de sa destinée, a accusé l’officier.
Il a dénoncé le clientélisme politique et la gestion familiale des affaires de l’État, ainsi que la gabegie, le vol et l’arbitraire, une justice en déphasage avec les citoyens, une éducation nationale qui patauge ou encore des massacres de villageois, le terrorisme et l’extrémisme.
La société civile et les mouvements sociopolitiques sont invités à nous rejoindre pour, ensemble, créer les meilleures conditions d’une transition politique civile conduisant à des élections générales crédibles pour l’exercice démocratique à travers une feuille de route qui jettera les bases d’un Mali nouveau, a ajouté le colonel major.
Il a demandé aux organisations internationales et sous-régionales de les accompagner pour le bien-être du Mali.
La (mission de l’ONU) Minusma, la force (anti-jihadiste française) Barkhane, le G5 Sahel (qui regroupe cinq pays de la région), la force Takuba (un groupement de forces spéciales européennes censées accompagner les Maliens au combat) demeurent nos partenaires, a-t-il également affirmé.
Tous les accords passés seront respectés, a-t-il déclaré, en affirmant que les militaires étaient « attachés au processus d’Alger », l’accord de paix signé en 2015 entre Bamako et les groupes armés du nord du pays.
Nous ne tenons pas au pouvoir, mais nous tenons à la stabilité du pays, qui nous permettra d’organiser dans des délais raisonnables des élections générales pour permettre au Mali de se doter d’institutions fortes, a également dit Ismaël Wagué.
Comment a réagi la communauté internationale ?

L’organisation régionale de l’Afrique de l’Ouest, la Cédéao, a condamné l’action de militaires putschistes et a pris une série de mesures d’effet immédiat pour isoler le Mali. La Cédéao suspend le Mali de tous ses organes de décision avec effet immédiat. Elle décide de la fermeture de toutes les frontières terrestres et aériennes ainsi que l’arrêt de tous les flux et transactions économiques, commerciales et financières entre les (autres) pays membres de la Cédéao et le Mali.
Enfin, la Cédéao demande la mise en œuvre immédiate d’un ensemble de sanctions contre tous les putschistes et leurs partenaires et collaborateurs.
Une visioconférence des chefs d’État de la Cédéao sur la situation au Mali se tiendra jeudi sous la présidence du chef de l’État nigérien Mahamadou Issoufou, a annoncé la présidence du Niger, qui préside actuellement la Cédéao.
Auparavant, le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres a appelé à la libération immédiate et sans conditions du président malien et au rétablissement immédiat de l’ordre constitutionnel.
Le Conseil de sécurité de l’ONU se réunira mercredi en urgence au sujet de la crise au Mali, à la demande de la France et du Niger.
Le président français Emmanuel Macron a exprimé mardi son plein soutien aux efforts de médiation en cours des États d’Afrique de l’Ouest.
Son ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian avait auparavant déclaré que la France condamnait avec la plus grande fermeté la mutinerie.
Le président de la Commission de l’Union africaine, Moussa Faki Mahamat, a lui aussi condamné énergiquement l’arrestation du président malien.